mercredi 31 mars 2010

Blasphèmes et provocations

Et Dieu dans tout ça?
La foi unit, la religion oppose... S'en prendre aux symboles de la chapelle ou de la confession d'en face devient une raison d'être pour diverses minorités d'illuminés. Prenons l'exemple du Danemark.
Particulièrement intéressant, le Danemark. D'un côté, certains traînent les musulmans dans la boue par réflexe défensif, face à un islam mal connu dont le versant fondamentaliste sert de repoussoir. De l'autre, des tenants de ce courant radical fomentent des attentats contre l'auteur danois d'une caricature du Prophète. Ou contre le journal (Jyllands-Posten) qui la publia en 2005, avec d'autres dessins, au nom de la défense de la liberté d'expression (mais non sans arrière-pensées politiques).
Le Christ n'est pas en reste. Alors que l'Eglise catholique danoise est à son tour en butte à des accusations d'agressions sexuelles, alors qu'un pasteur luthérien avouait il y a quelques temps ne pas croire en Dieu créateur du monde, voilà qu'on ressort le crucifix pour le parodier ou s'en moquer.
Depuis ce matin, c'est un Christ en pleine érection qui est exposé au nord de Copenhague. Sous la forme d'un cure-pipe jaune. Pourquoi pas, au point où on en est. L'auteur de cette fantaisie? Uwe Max Jensen, un artiste coutumier de la provocation plus ou moins gratuite. L'étron laissé au fond d'un vase, il y a trois semaines à Louisiana, le musée d'art contemporain au nord de Copenhague, c'est lui. Un "happening" (dixit l'intéressé) dans la lignée de ceux qui émaillèrent les années 70, au Danemark ou ailleurs. Sauf qu'à l'époque, ça avait plus d'allure et de sens.
Avec son Christ bandant, Uwe Max Jensen précise d'ailleurs vouloir rendre hommage à l'un des maîtres scandinaves du genre, Jens Jørgen Thorsen, dont les facéties eurent un écho jusqu'en France. Je me souviens d'articles de presse jaunis sortis d'archives familiales relatant les efforts déployés, dans les années 70, par ce "provo" (titre de sa biographie posthume) pour tourner un film iconoclaste sur la vie du Christ. Il n'y fut pas autorisé. Qu'à cela ne tienne. Les âmes bien pensantes eurent le déplaisir de découvrir, en 1984, un nouveau coup de l'artiste: un Christ au membre raidi (déjà!) peint sur le mur d'une gare ferroviaire près de Copenhague. Après intervention du ministre des transports - et la désapprobation de Jyllands-Posten, alors moins prompt à défendre la liberté d'expression qu'aujourd'hui -, le Christ et son objet furent effacés. Jens Jorgen Thørsen récidiva ici et là, bien sûr (photo).
Auteur en 1970 d'une adaptation cinématographique, très olé-olé pour l'époque, d'un livre d'un autre provocateur, Henry Miller (Jours tranquilles à Clichy), ce touche-à-tout finit par le réaliser, son opus sur Jésus. Il sortit en 1992, avec le financement de l'Institut du film danois. Bien que le héros de Jésus revient s'y amourache d'une terroriste, le film ne choqua ni ne convainquit grand-monde. Il est vrai que La dernière tentation du Christ de Scorsese était entre-temps passée par là.
Thorsen, au demeurant fin connaisseur de l'art moderne et du jazz, est mort trop tôt (il doit consumer quelque part en enfer) pour être témoin de la polémique ayant suivi la publication des caricatures de Mahomet. Quel tableau, quelle oeuvre tout cela lui aurait-il inspiré? Je n'ose l'imaginer. Sans doute quelque chose de plus flamboyant que la sculpture (un corps de chien avec une tête de Mahomet) conçue par un autre trublion scandinave, le Suédois Lars Vilks. Lequel se retrouve à son tour menacé de mort.
Ca fait un peu beaucoup, vous ne trouvez pas? Tout ça pour obéir ou déplaire à Dieu, Allah et consorts.

samedi 27 mars 2010

Riga-London, aller simple?

Il n'a pas encore attrapé l'accent britannique, son visage recèle ce je ne sais quoi d'est-européen. Assis sur un banc le long de la Tamise, il raconte son histoire non sans une certaine fierté. La fin des haricots en Lettonie, le départ vers l'Angleterre pour y gagner sa vie, les petits boulots sans pitié, les rivalités entre semi-parias, la quête d'une certaine stabilité dans la précarité, le début d'un statut. Ce quadra, appelons-le Janis par commodité, remonte souvent les mèches châtain qui tombent sur ses yeux rieurs. Il n'est pas fébrile, il semble à l'aise à Londres, où il a commencé à s'assumer.
En Lettonie, Janis ne passait pas pour un aventurier. Il y a laissé le souvenir d'un gars qui avait tendance à se la couler douce au crochet d'une femme plus fortunée que lui, puis d'une autre. Ce dilettante, fort sympathique au demeurant, s'était frotté à la création artistique sans vraiment y croire ni convaincre. Un jour, la bonté féminine s'est tarie. Il a fallu quitter ce cocon finalement plutôt confortable.
Une agence intérimaire dirigée par des Lituaniens peu scrupuleux lui trouve un 1er job hors du grand Londres, dans une usine chimique. Travail de nuit. Puis c'est le découpage et l'emballage d'oignons, pelures, dur labeur en pleurs. Les Lituaniens le remplacent par un de leurs copains. Janis trouve un autre boulot en consultant les petites annonces. Il s'affranchit des cousins baltes. Peu à peu, l'éloignement lui fait perdre sa réserve toute lettone qui l'empêchait d'évoquer ses problèmes. Il trouve une chambre dans une banlieue londonienne, s'enregistre auprès des autorités sociales.
Le jour où je croise Janis au bord de la Tamise, ses mains fines trahissent encore sa condition lettone. Il assure vouloir rentrer au pays un jour, avec une création artistique inspirée directement de son expérience britannique. La nuit, quand la surveillance de l'encadrement se relâchait, il tournait des images avec sa caméra, il se filmait à la chaîne. Il veut en faire une oeuvre. Un moyen comme un autre de réintégrer la Lettonie la tête haute, souhait de milliers et de milliers d'hères partis tenter leur chance en Angleterre. Combien l'exhausseront?

jeudi 18 mars 2010

Jouez hautbois

Le moment est venu pour moi de m'éclipser le temps de courtes vacances. Mais avant, je livre aux amateurs une découverte musicale islandaise qui vaut le détour, même si j'ai du mal à expliquer pourquoi (enfin si, je crois savoir, et je le dirai peut-être plus bas).
Car voilà bien un étrange groupe que ce Hjaltalin, dont le dernier disque vient d'être distingué en Islande. Très pop, très porté sur les harmonies, orchestrations ambitieuses, précieuses parfois. Un octuor de drilles plus appliqués que joyeux, qui troussent de longues ritournelles.



Alors quoi?
Il y a ce timbre si particulier, le hautbois en contrepoint, aérien comme celle qui en joue, le mariage du cor et des cordes, du blond dégingandé et de la brune enveloppée, un coup de basson par-ci, un trait de banjo par-là, une nappe d'harmonium au centre...
Bref, Hjaltalin ne rime pas avec naphtaline (!), c'est une musique virevoltante venue du pays du vent et c'est au chaud dans une voiture, à l'abri des bourrasques, que j'ai commencé à avoir un faible pour elle, alors que défilait un décor volcanique à couper le souffle (merci Gulla). Ceci explique sans doute cela.
A dans une bonne semaine.

mardi 16 mars 2010

Kalle Blomkvist à Paris

Vous le reconnaissez? Mikael Blomkvist! Le super journaliste de la trilogie Millenium, version filmée. Ou plutôt l'acteur qui l'incarne. Michael Nyqvist, multirécidiviste du grand écran, incontournable des plateaux de tournage du royaume, grand appétit. L'équivalent suédois de... Depardieu croisé avec Auteuil? Arpenteur de planches de théâtre (actuellement dans Jane Eyre au Dramaten), élevé à la lecture de Xavier de Maistre (Voyage autour de ma chambre), auteur d'un tout récent récit autobiographique bien accueilli par la critique stockholmoise. Où l'on apprend, entre autres, que Nyqvist, enfant adopté, n'a pas connu ses parents biologiques jusqu'au jour où, adulte, il a fini par retrouver la trace de son père en Italie (avec l'aide de Lisbeth Salander?).
Amateurs de la trilogie de Stieg Larsson, si vous habitez Paris, regardez bien autour de vous. Vous pourriez tomber sur Kalle Blomkvist en train de déambuler dans les rues. A l'automne, l'acteur s'installera dans notre capitale avec sa famille pendant quelques mois, le temps de prendre un peu de recul. Il le raconte dans un entretien publié dans Dagens Nyheter.
Et après Paris? Peut-être une carrière américaine pour ce boulimique d'à peine 50 ans, comme le suppute le journaliste qui l'interroge? No comment. Et s'il voulait faire quelque chose de neuf, d'inédit, vers quoi se tournerait-il?
"Je veux jouer Richard III. Je veux faire un film qui influencerait les gens, qui changerait en bien les attitudes ou qui serait tellement excitant qu'on ne l'oublierait pas après l'avoir vu - comme Taxi Driver. Je veux lancer une école de théâtre en Inde. Je me verrais bien aussi succéder à Kevin Spacey à la direction de l'Old Vic (théâtre légendaire de Londres) et y interpréter moi-même tous les rôles principaux".
Attention mesdames et messieurs les Suédois, votre Kalle national est en train de prendre la tangente...

mardi 9 mars 2010

Ignalina: Viktor Nikolaïevitch doit s'en aller

L'inamovible Viktoras Ševaldinas a fini par être poussé vers la sortie. Après 20 années (à sept mois près) à la direction de la centrale nucléaire d'Ignalina, en Lituanie, il vient d'être renvoyé par le ministre de l'énergie.
Autant le gouvernement lituanien semblait satisfait de son travail alors que la centrale fonctionnait encore, autant il ne lui convenait plus en cette période de démantèlement. Car l'établissement que quitte Ševaldinas n'est plus que l'ombre de lui-même. Ses deux immenses réacteurs, inaugurés en 1984 et 1987, sont désormais silencieux.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, l'ingénieur en chef n'a pas vu sa carrière bloquée par ses origines russes, en dépit du caractère stratégique du secteur. En novembre 1991, la Lituanie avait déjà recouvré son indépendance lorsqu'on le nomma à la tête de la centrale. Le jeune Etat "lituanisa" toutefois son nom (à l'origine Viktor Chevaldine), comme pour tous les Russes naturalisés automatiquement.
A son actif, le camarade Viktor Nikolaïevitch pouvait se targuer d'une carrière déjà longue dans le nucléaire civil soviétique. Après avoir fait ses armes dans une centrale de Leningrad à partir de 1971, il était arrivé dès 1982 à Ignalina, alors encore en chantier.
A partir du début des années 2000, le directeur de la centrale avait dû avaler pas mal de couleuv- res, comme je le raconte dans un chapitre de mon livre sur les pays baltes reproduit récemment par le site diploweb.com. Car l'Union européenne mettait la fermeture d'Ignalina comme condition à l'adhésion de la Lituanie. Pas question de risquer un Tchernobyl bis dans un futur Etat membre de l'UE!, entendait-on à Bruxelles. D'autres esprits moins orthodoxes voyaient là le résultat d'une discrète manoeuvre de grands industriels ouest-européens de l'atome pour achever de discréditer la technologie russe et se préparer un éventuel nouveau marché dans les pays baltes, une fois Ignalina fermée.
Lors de mes deux visites dans la centrale, j'ai croisé un Ševaldinas qui ne comprenait pas qu'on puisse priver le pays balte d'une telle source d'énergie "bon marché et sûre". En guise d'assurance tout risque, il évoquait l'assistance technique d'experts suédois et les investissements réalisés au fil du temps pour mettre la centrale aux normes. La validité de ses arguments n'aura, heureusement, pas eu à être testée...
Alors que la date de clôture du second réacteur (le 31 décembre 2009) se rapprochait, Ševaldinas s'était fait plus critique. C'est sans doute l'une des raisons officieuses pour lesquelles il a été écarté de la direction la semaine dernière. Sa connaissance du site demeure a priori intéressante pour la Lituanie, puisqu'on lui a proposé de rester comme consultant.
En vidant son bureau de directeur, il doit se dire qu'il avait visé juste lorsqu'il avait mis en garde contre la hausse des prix de l'électricité, une fois les deux réacteurs arrêtés. Le 27 février, ces augmentations ont incité entre 3000 et 5000 habitants de la commune proche d'Ignalina - essentiellement des russophones - à manifester leur mécontentement. Au moins sur ce point-là, Viktor Nikolaïevitch n'avait pas tort.

lundi 8 mars 2010

Dur 8 mars pour Joanna

Taches rouges, jaunes, roses, orangées, sur fond blanc.
Le blanc, c'est la couleur à la mode en cet hiver qui s'étire dans la région. J'en avais mal aux yeux ce matin, tant la neige réfléchissait violemment le soleil sur les trottoirs de Riga et sur la Daugava encore gelée.
Les taches multicolores, ce sont les bouquets de fleurs que portaient bon nombre d'hommes croisés tout à l'heure dans la rue.
Le 8 mars dans les pays baltes, la journée de la femme se fête comme il se doit. Ces messieurs pensent, ou donnent l'impression de penser, aux femmes de leur vie. Célébrée avec éclat durant la période soviétique avec force tulipes rouges, la tradition se perpétue depuis, même si cette journée n'est plus fériée.
Et le restant de l'année, quid de la parité, me direz-vous? La situation n'est pas idéale pour toutes les femmes dans la région. Des féministes estoniennes l'ont rappelé à l'occasion. Mais les Etats baltes ne sont pas forcément à la traîne des Nordiques, par exemple, pourtant souvent montrés en exemple (pas toujours à raison, à en croire un rapport d'Amnesty International publié ce jour).
Une étude britannique publiée en janvier voyait en la Lettonie le pays d'Europe où une femme avait le plus de chances de progresser dans sa carrière professionnelle! En Lituanie, quatre des postes clés du monde politique (présidences de la république et du parlement, ministères des finances et de la défense) sont tenus par des femmes... "En période de crise, nous prenons tous plus ou moins des risques et ce sont les femmes qui, les premières, sont prêtes à se lancer", expliquait Dalia Grybauskaite, la présidente de la république, dans un entretien accordé à Regard sur l'Est sur la place des femmes dans la société lituanienne.
Avant de ressortir de chez moi choisir le bouquet que j'offrirai ce soir, une petite pensée à une femme qui n'est pas à la fête aujourd'hui. Joanna Sigurdardottir, la 1ère dame à diriger un gouvernement en Islande, se remet péniblement du camouflet administré hier par ses concitoyens.
Parmi les Islandais qui ont voté lors du référendum pour ou contre l'accord conclu par leur gouvernement dans le but de compenser des épargnants britanniques et néerlandais lésés durant la crise financière de 2008, près de 94% ont dit "non"!
"Joanna", comme tout le monde l'appelle sur l'île, va devoir maintenant recoller les morceaux. Renégocier l'accord avec les gouvernements britannique et néerlandais. Convaincre ensuite ses compatriotes que cette fois-ci, leurs intérêts auront été mieux défendus. Jouer serré contre la droite locale, qui se réjouit discrètement de ne pas avoir eu à gérer les conséquences du grand bazar qu'elle a laissé derrière elle en abandonnant le pouvoir en janvier 2009.
Diriger un gouvernement, ce n'est pas drôle tous les jours. Même pour une femme le 8 mars.

jeudi 4 mars 2010

Islande et Lettonie, même galère?

"Ah bon, vous habitez en Lettonie..." Combien de fois ai-je entendu cette réplique de la part d'Islandais rencontrés lors de mon séjour sur leur île? Il y avait dans leur voix ou leur regard comme un début de complicité résignée, un soulagement ou au moins l'espoir d'être compris en cette période très morose.
"Ah bon, vous habitez en Lettonie." Sous-entendu: "bienvenue au club" des pays européens ayant le plus morflé depuis la crise financière de l'automne 2008. Ou "vous savez donc, vous aussi, de quoi il en retourne".
La solidarité entre perdants, si tant est qu'elle existe.
Similaires, ces deux pays le sont aussi dans leur dépendance vis-à-vis du Fonds monétaire international. Le FMI a avancé l'argent qui leur avait manqué pour ne pas y avoir recours. Les voilà tous deux dans la nasse.
Aujourd'hui encore, je me demande s'il vaut mieux être affecté par la crise en tant qu'Islandais ou en tant que Letton.
Ni l'un ni l'autre, bien sûr.
Mais répondre de la sorte, c'est s'en tirer un peu trop facilement...
Pas besoin de réfléchir beaucoup plus longtemps pour se dire que, sur le papier, l'Islande paraît mieux placée:
1. Ce pays a eu le temps, avant le coup d'arrêt brutal de 2008, de se doter d'un Etat-providence qui, s'il n'est sans doute pas aussi développé que chez les cousins nordiques, permet d'amortir les chocs. Pas la Lettonie, où le social est le cadet des soucis des gouvernants depuis le retour à l'indépendance.
2. La décroissance observée dans le pays balte (près de 18% du produit intérieur brut en 2009) est autrement plus profonde que celle touchant l'Islande (8,5% du PIB).
3. De plus, au moment où la crise s'est imposée, la Lettonie partait de nettement plus bas dans l'échelle de la prospérité. Elle était - et demeure a fortiori - l'un des pays les moins riches de l'UE. L'Islande, elle, caracolait dans le peloton de tête des pays les mieux nantis de la planète. Une "performance", il est vrai, bâtie en grande partie sur du vent... La population l'a appris à ses dépens, lorsque le secteur bancaire de l'île, artificiellement grossi, s'est dégonflé telle une baudruche.
4. Si l'on fait abstraction de l'immense dette islandaise, ce pays semble mieux armé pour s'en sortir. Du poisson en veux-tu en voilà, de l'énergie naturelle bon marché, des paysages à faire tomber le touriste le plus désabusé: autant d'atouts que n'a pas la Lettonie...
Alors ainsi est-ce clair, mieux vaudrait vivre la crise en Islande?
J'aimerais tant répondre que non! Pour ne pas démoraliser les Lettons, précisément parce qu'ils sont moins bien lotis sur le papier. J'aimerais être sûr que la solidarité, entre membres d'une même famille ou entre voisins, joue davantage dans le pays balte, comme elle le faisait souvent à l'époque soviétique. J'ai envie de croire ces Lettons qui me racontent combien les liens se sont resserrés ces derniers mois, après la distance induite par la relative prospérité consécutive à l'adhésion à l'UE (en 2004). Mais cela concerne-t-il tout le monde? Je crains que non. Et j'ai entendu le même discours en février en Islande.
Décidément, la comparaison tourne à l'avantage de l'île...
Quelques éléments viennent toutefois nuancer le tableau:
1. La déception éprouvée par les Islandais vis-à-vis de leur classe politique doit être plus vive que celle ressentie par les Lettons. Ceux-ci ne se sont jamais fait d'illusions, tant il paraît évident que les partis politiques servent les intérêts des businessmen qui les ont créés après la fin de l'occupation soviétique. Pas de quoi s'en réjouir mais c'est un fait - contre lequel les Lettons, fatalistes, ne se sont pas révoltés. Les Islandais, eux, ont cru un temps vivre dans un système qui s'apparentait à celui d'une démocratie nordique, avec une dose certaine de transparence si l'on compare avec le reste de l'Europe. Jusqu'à ce que la crise de 2008 ne mette crûment en évidence la collusion entre dirigeants politiques, chefs d'entreprise et médias du pays, finalement très logique sur une île comptant à peine 320 000 habitants... La "révolution des ustensiles de cuisine" de janvier 2009 a abouti à la démission du gouvernement mené par les conservateurs. Mais l'équipe de centre-gauche qui lui a succédé a déjà fait son lot de déçus. A sa décharge, il faut admettre que c'est à elle qu'incombe la tâche difficile de gérer les conséquences de la crise.
2. Les Lettons, et surtout les plus défavorisés d'entre eux, ont eu moins le temps de s'habituer au confort moderne que les Islandais. La précédente période de vaches maigres (ou plutôt de moutons maigres) sur l'île nordique remonte à plusieurs décennies. Depuis, les réflexes d'autodéfense en période difficile ont dû s'émousser.
Deux maigres consolations pour les Lettons moyens qui, ces dernières années, commençaient juste à sortir la tête de l'eau d'un point de vue confort de vie. Ils n'ont eu qu'à la replonger.