mercredi 23 juin 2010

Garbarek, le camp de prisonniers et l'impro du ballon rond

Saviez-vous que le saxophoniste Jan Garbarek, s'il est norvégien, a un père polonais, envoyé comme prisonnier de guerre dans le royaume scandinave? Imaginiez-vous, par ailleurs, que le même Garbarek, une des icônes du jazz aérien à la ECM, est un amateur forcené de football qui évite de se produire sur scène pendant les grandes compétitions internationales? De quoi écorner la réputation sérieuse et élitiste des jazzmen. Surtout lorsque le saxophoniste dresse un paralèlle entre le jeu de jambes de Zidane et le jeu de hanches de Coltrane. Tout ça et plus encore, vous pouvez le lire sur mon autre blog consacré au jazz nordique. Bonne lecture!

NB (le 4 novembre 2010): Jazz nordique, le blog susnommé, est gelé pour une durée indéterminée et ce, par manque de bras et de temps pour l'alimenter régulièrement. Mais les articles postés là y sont encore accessibles et je compte parler plus souvent du jazz nordique sur le blog que vous lisez actuellement!

mercredi 16 juin 2010

BALTE-TRAP: la comm' à la rescousse de la Lettonie

La Lettonie, on le sait, traverse sa plus grave crise économique et morale depuis le retour de l'indépendance, il y a deux décennies. Le pays doit faire des économies là où c'est encore possible, pour répondre aux exigences du Fonds monétaire international (FMI), en échange de l'argent qu'il lui a prêté pour éviter le pire. Nombreux sont les Lettons qui émigrent ou cherchent à le faire, parce qu'ils ne peuvent plus faire face avec des salaires réduits de 25% ou 30%, des "congés" imposés et non-payés ou de très faibles indemnités chômage, lorsqu'ils y ont encore droit. La confiance qu'ils accordent à la classe politique pour trouver une issue honorable à la crise est, le moins qu'on puisse dire, très limitée. Je ne vais pas dresser le topo complet à chaque fois, au risque de donner une tonalité misérabiliste à ce blog. Mais, croyez-moi, la réalité (résumée, avec une pointe d'humour, dans l'émission Détours d'Europe, réalisée pour LCP, La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale) n'est pas rose pour une majorité de Lettons.
Et voilà que, d'après mes informations, des entreprises lettones, avec l'assentiment et l'aide de relais à la présidence et au cabinet du premier ministre, s'apprêtent à financer un supplément "publirédactionnel" sur la Lettonie à paraître dans Le Figaro! C'est l'agence Buzi'Com, basée à Paris, qui le réalise. Elle aurait donc réussi à trouver suffisamment d'annonceurs locaux, en dépit de la récession et des mesures d'économies. Les Lettons seront heureux de l'apprendre...
Permettez moi de douter de l'efficacité de ce genre d'articles - aussi bien conçus soient-ils - à la gloire d'un pays. Lorsque je trouve un tel supplément "publirédactionnel" inséré dans un journal, la première chose que je fais en général, c'est de passer à autre chose. Je ne pense pas à être le seul.
Si le projet de Buzi'Com se concrétise comme prévu, vous saurez bientôt (mais en doutiez-vous?) combien la Lettonie se mobilise comme un seul homme pour sortir de la crise et à quel point la population soutient son gouvernement et ses entreprises dans cette démarche salvatrice, etc., etc.
Alléluia.
En revanche, le projet de la même agence de réaliser un autre supplément du genre en Estonie suscite, aux dernières nouvelles, nettement moins d'enthousiasme à Tallinn. Là, on semble plus lucide quant à l'intérêt réel d'un telle opération de communication. Il est vrai que ce pays est un peu moins empêtré dans la crise que son voisin letton. Tallinn est même à deux doigts de se qualifier dans la zone euro - pour le meilleur et pour le pire.
Est-ce un "bon client" pour une zone euro qui compte suffisamment de "mauvais payeurs"? Quelques éléments de réponse ici, dans un de mes articles publiés dans Challenges. Et qu'en pense la population estonienne? Un petit aperçu ici, dans une chronique diffusée en Belgique par la RTBF (en fin de programme).

mercredi 9 juin 2010

Bol d'airs

Quand le printemps surgit dans le Nord, ils sont difficiles à tenir entre quatre murs. Tout le monde ou presque n'a qu'une idée en tête: profiter du moindre rayon de soleil. Les musiciens ne sont pas en reste. Pourquoi rester enfermés dans l'obscurité d'un studio sentant la pizza froide, alors que les grands espaces sont à portée de main? Comme l'archipel d'Oslo pour le groupe monté par un jeune chanteur qui commence à percer, Moddi (le blond qui chante ici un poème de Helge Stangnes et joue de l'accordéon).



L'acoustique est un peu capricieuse par grand vent... Une fois maîtrisée, elle s'épanouit, moelleuse. On imagine le plaisir de jouer les pieds dans l'eau. Les Islandais de Hjaltalin, déjà remarqués sur ce blog, ont eux aussi succombé au charme du bord de mer...



Suit une vidéo bucolique tournée par le même groupe dans un jardin islandais, peut-être celui d'une grand-mère de Reykjavik?



A Stockholm, Sarah Riedel a choisi de fredonner à l'abri des embruns, à l'intérieur d'une de ces navettes qui relient quelques-unes des îles du centre-ville et de l'archipel proche. Les violons couvrent le ronronnement du moteur.



Une initiative déclinée ici avec d'autres artistes pour d'autres traversées musicales.

vendredi 4 juin 2010

Olkiluoto, quel chantier

La saga Olkiluoto 3 continue. Le réacteur nucléaire civil que construit le groupe français Areva dans le sud-ouest de la Finlande connaît un nouveau retard. Les travaux sur le site "n'ont pas progressé comme prévu durant le printemps 2010". C'est le client d'Areva, la compagnie énergétique finlandaise TVO, qui l'a indiqué fin mai. Le message est destiné à Nord Pool, le marché nordique de l'électricité. TVO avertit: ne comptez pas sur la mise en route du réacteur en juin 2012, la date avancée en octobre dernier. Ce petit air est désormais bien connu. L'entrée en fonction de la centrale avait été initialement annoncée pour... le printemps 2009.
Le report des travaux ne me dérange nullement, bien au contraire. Puisque le réacteur est en cours de construction (depuis 2005), autant que le boulot soit irréprochable. S'il faut mettre quelques mois, voire quelques années, de plus que prévu, soit! Areva explique que le réacteur bâti à Olkiluoto (de type EPR) est le premier du genre et qu'un retard est donc inévitable. Admettons. L'argument a d'ailleurs été validé par l'Autorité finlandaise de sûreté nucléaire (STUK).
Plus dérangeantes, à mon avis, sont les informations que j'avais recueillies en Finlande quant aux conditions de travail sur le chantier et aux divers problèmes rencontrés au fil de l'avancement des travaux. Un des exemples les plus frappants, mentionné dans une enquête à laquelle j'avais contribué pour l'hebdomadaire Challenges (publiée le 7 janvier dernier), concernent les soudures.
"Dans bien des cas, les soudeurs n'avaient jamais lu les instructions avant de commencer le travail, m'avait déclaré Tapio Kettunen, coordinateur des soudures à Olkiluoto pour Bouygues Travaux publics (de 2005 à 2007). J'ai vu des soudeurs utiliser des températures trop élevées. Cela peut endommager la solidité de la soudure. Quand des inspecteurs français sont venus vérifier la qualité des soudures, en particulier sur la coque d'acier qui entoure le réacteur, j'ai dit que je n'étais pas satisfait et j'ai refusé de signer les papiers qu'ils me tendaient. Quelqu'un a signé pour moi."
Outré, Tapio Kettunen démissionna. Chez Bouygues, on rétorqua n'avoir "jamais reçu de remarques" au sujet de la qualité des soudures réalisées sur le chantier. Toutefois, sans nommer cette entreprise, STUK corrobora en partie ces allégations dans un rapport complet publié en juillet 2006, notamment quant à la formation insuffisante des soudeurs. Elément aggravant selon le gendarme du nucléaire finlandais: c'est lui qui avait constaté ces déficiences, et non les inspecteurs d’Areva ni de TVO qui, en l'occurrence, avaient failli.
La leçon a-t-elle été retenue par le maître d’œuvre, Areva? Visiblement non, puisque STUK détecta un nouveau problème de soudures en octobre 2009. Cette fois-ci, sur les tuyaux du système de refroidissement du réacteur. Un soudeur travaillait sans les instructions nécessaires. "C’est étrange que ce genre de choses se produisent", m'avait confié Petteri Tiippana, directeur pour la régulation des réacteurs nucléaires à STUK. Lequel avait fait interrompre, une nouvelle fois, les travaux, au grand dam de TVO mais aussi d'Areva, sous pression pour terminer ce chantier censé mettre en valeur son nouveau réacteur EPR. Petteri Tiippana avait toutefois insisté sur le fait que des pans entiers du chantier progressaient correctement. "A la fin, avait-il prédit, la centrale respectera toutes les exigences de sécurité."
Espérons le. Toutefois le doute est permis. BP ne disait-elle pas la même chose de ses plates-formes pétrolières avant l'explosion de l'une d'entre elles, le 20 avril, dans le golfe du Mexique?